Ayant regagné mes appartements, je dînais frugalement après un bon bain qui me débarrassa de l’odeur des loups.
Allongé sur le lit, je tournais et retournais dans ma tête les évènements de la journée, quand je sentis comme un frôlement, un tâtonnement entrer en contact avec mon esprit.
-« Maître ? »
-« Darkhan ? »
-« Oui, excusez-moi de vous déranger, mais une femelle requiert votre assistance pour mettre bas. »
-« Pardon ? De quoi parles-tu ? »
-« Alpha est âgée. C’est sans aucun doute sa dernière portée. Elle est fatiguée, son ventre contient huit louveteaux ce qui est exceptionnel. Je ne peux l’aider seul. Nous devons conjuguer nos efforts. »
Je me redressais et j’énonçais verbalement ce que mes pensées disaient au chef de la meute.
-« Euh, oui…., mais que dois-je faire ? »
-« Restez couché, Maître. Respirez tranquillement, pensez son nom comme vous l’avez fait pour Ingmar et vous entrerez en communication avec elle. Ensuite, vous laisserez glisser vos pensées en elle jusqu’aux petits, vous les calmerez et les guiderez jusqu’à l’extérieur. Vous devez toujours restez très calme, ne vous laissez pas distraire par ces bébés fougueux, imposez votre volonté, vous êtes leur Maître ! »
-« Bien, je vais essayer. »
-« Merci Maître, je vais m’occuper d’elle avec mes frères nous lui donnerons toute l’énergie que nous pourrons pour que ses forces ne la trahissent pas pendant la mise bas.»
Je ne sentis rien lorsqu’il se retira, simplement je le savais.
Je m’allongeais confortablement, fermais les yeux et me concentrais sur le nom de la louve : Alpha.
Au début, rien ne se produisit, puis ce fut comme si mes pensées atterrissaient sur un nuage moelleux.
-« Bonsoir Maître »
Je ne reconnus pas la voix puisque je ne l’avais jamais entendue, mais, peu à peu en utilisant ce nouveau pouvoir, ma perception se développait elle aussi. Je n’eus pas le temps de répondre, sentant une fatigue intense chez cette femelle, je laissais mon esprit glisser vers sa progéniture.
Celle-ci se débattait, affolée par les contractions qui la ballotait de droite et de gauche, d’avant en arrière.
Instinctivement, bien que fort surpris pas cette connaissance, je pris les choses en main. Je cherchais au fond de moi le calme que je transmis à la nichée. Doucement, pour ne pas les effrayer par mon intrusion dans leur univers feutré, je les « touchais », les « caressais ».
Tout d’abord étonnés, ils se laissèrent faire, puis les secousses reprenant de plus belles, ils recommencèrent leur manège. Un stop bienveillant mais ferme les ramena à la raison.
Je ressentais l’épuisement de leur mère, aussi, j’intimais aux petiots de tenter de sortir l’un après l’autre en s’aidant de chaque contraction pour avancer vers la sortie. Très inquiets, ils reculèrent vers le fond de la matrice. J’eus un moment de doute.
La louve grogna. La meute intensifia ses efforts pour la soutenir. Il fallait faire vite, sinon et la mère et les petits ne s’en sortiraient pas.
Alors comme une pulsion, un à un je les « poussais », les obligeant à quitter ce cocon tiède.
Sitôt à l’air libre, une autre femelle les pris en charge. Chaque expulsion diminuait le lien entre eux et moi. Après le dernier, une immense fatigue me laissa pantelant mais heureux comme je n’aurais jamais penser pouvoir l’être.
Aider à donner la vie !
Voilà qui me faisait apprécier ce nouveau pouvoir et je ne regrettais plus une seule seconde les douleurs que j’avais endurées pendant ma capture avec Hinge et ou encore celles subies lors de la cérémonie du Sang Canidale.
Je me sentais différent. Je n’étais pas un héros, loin de là, mais j’étais un homme qui venait de comprendre tout le respect que l’on doit avoir de la vie.